Dossier

Le Piratage des Jeux dans les Années 90 : Entre Disquettes, Cartouches et CD Gravés

piratageannées

Durant les années 90, on a connu les Game Boy sous les oreillers, les cartouches soufflées comme des harmonicas et, bien sûr, des disquettes cachées au fond du sac à dos. Avant l’ère des torrents et des clés USB, le piratage des jeux vidéo était un art complexe, entre bidouillages techniques et échanges secrets entre amis. Mais, attention, la résistance était aussi là : les constructeurs, éditeurs et développeurs n’ont pas tardé à riposter avec des mesures anti-piratage parfois rusées, souvent farfelues. Petit retour sur une époque où pirater un jeu vidéo n’était pas aussi simple que de cliquer sur un fichier.


iwqxrfz
The Secret of Monkey Island nécessitait ce disque
pour avancer dans le jeu

Les Disquettes et le Piratage sur Micro-Ordinateurs

Avant d’aborder le piratage sur les consoles, un petit détour s’impose du côté des micro-ordinateurs. Amiga, Atari ST, Commodore 64 ou même PC… Ces machines étaient les terrains de jeu des premiers pirates. Que dire des disquettes ? Ces petites galettes magnétiques de 3,5 pouces qui pouvaient contenir des trésors inestimables, comme une copie de Monkey Island ou un bootleg de Prince of Persia. Il fallait juste avoir le bon logiciel pour “dupliquer” une disquette sur une autre, et voilà, une copie pirate était née.

Mais, attention, certains éditeurs n’étaient pas nés de la dernière pluie. LucasArts, par exemple, avait eu une idée de génie avec ses fameux code wheels dans les années 80-90. Pour jouer à un jeu, tu devais tourner une petite roue en carton et entrer le code affiché à l’écran. Si tu n’avais pas le disque original… eh bien, tu étais bon pour passer ton après-midi à deviner le bon code. Sans parler des jeux qui demandaient de répondre à des questions tirées du manuel ou des cryptographies impossibles à reproduire sans l’original.

Ces techniques étaient une manière ingénieuse de contrer le piratage, du moins jusqu’à ce qu’un joueur particulièrement acharné décide de partager les réponses sur un forum ou un BBS (les ancêtres des forums en ligne). Après tout, la solidarité entre pirates était une vertu !

Le Piratage des Cartouches : L’Art de Bidouiller les Consoles

Une fois les consoles arrivées sur le marché, le piratage a pris une autre dimension. Avec des systèmes basés sur des cartouches, comme la NES ou la Mega Drive, il fallait se retrousser les manches. Copier une cartouche ? Ce n’était pas aussi simple que de dupliquer une disquette.

Oui, la Super Nintendo pouvait aussi avoir sa “Tower of Doom” !

Mais où il y a une volonté, il y a un chemin. Les fameux “copieurs de cartouches” ont fait leur apparition, des machines comme le Super Magicom, le Super Magic Drive ou le Game Doctor qui permettaient de copier le contenu des cartouches de Super Nintendo ou Mega Drive par exemple sur des disquettes. Le principe était simple : tu mettais la cartouche originale (en général celle de ton copain), tu la transférais sur disquette, et hop, tu pouvais rejouer au jeu sans avoir besoin de l’original. Bon, il fallait souvent jongler avec plusieurs disquettes pour un seul jeu, surtout pour les titres gourmands en mémoire. Il fallait par exemple deux disquettes pour Streets of Rage 2 ! Mais pour les joueurs les plus déterminés, c’était un moindre mal.

Face à ces bidouilles, Nintendo a tenté de riposter avec des protections physiques. Certains titres mettaient en place des protections logicielles qui vérifiaient l’intégrité des cartouches lors du lancement du jeu. Mais rien n’y faisait, les hackers trouvaient toujours un moyen de contourner ces obstacles, souvent en crackant le code des jeux ou en partageant des “patchs” qui désactivaient ces protections.

L’Ère du CD : Graver, Modchipper, et Faire des Swap Discs

La vraie révolution dans le piratage est venue avec l’arrivée des consoles à CD, comme la PlayStation ou la Sega Saturn. Graver un CD, c’était infiniment plus simple que d’essayer de copier une cartouche. Les jeux passaient de 50-100 Mo à 600 Mo, mais les graveurs de CD étaient là pour répondre à cette nouvelle demande. Graver un jeu sur un CD vierge ? Pas de problème, il suffisait d’avoir le bon logiciel, comme Nero ou CloneCD, et tu pouvais te retrouver avec une pile de CD gravés en quelques heures.

Mais bien sûr, Sony, Sega, et consorts n’étaient pas dupes. Les consoles étaient protégées contre les CD pirates. C’est là que les fameux modchips entraient en scène. Ces petites puces électroniques permettaient de contourner la protection d’une console pour qu’elle accepte de lire un CD gravé. Installer un modchip, c’était toute une aventure, souvent réservée aux bricoleurs avertis ou à ceux qui connaissaient un type louche dans un coin de la ville. Mais une fois la console “moddée”, c’était le jackpot : une tonne de jeux accessibles pour quelques euros.

N’oublions pas aussi le fameux swap disc (tu démarrais le jeu avec un CD original puis tu le remplaçais vite par un CD gravé), méthode qui nécessitait d’être vif et agile pour espérer lancer sa copie en dupant la console !

ps lid sensor blocked front
Certains ont pu devenir experts dans le changement de disque à la volée pendant l’écran de chargement de la console !

Les Techniques Anti-Piratage : Une Course à l’Armement

DKC AntiPiracy
Les jeux Super Nintendo incorporaient déjà
des contrôles anti-piratage

Face à cette marée de gravures et de modding, les éditeurs et constructeurs ont redoublé d’inventivité pour contrer les pirates. Sony, Nintendo, Sega, tous y sont allés de leur méthode. Par exemple, Sony et Sega ont essayé de marquer physiquement les CD originaux avec des zones non gravables (les fameux boot sectors), mais cela n’a pas résisté longtemps face aux graveurs de plus en plus sophistiqués.

Nintendo, avec la Nintendo 64, a opté pour des cartouches au lieu des CD, pensant que cela rendrait le piratage plus difficile. Mais là encore, les fameux copieurs de cartouches sont revenus à la charge.

Quant aux développeurs, certains se sont montrés plus malins que d’autres. Une des protections anti-piratage les plus drôles (enfin, ça dépend de quel côté on se positionne) vient de EarthBound sur SNES. Si le jeu détectait qu’il était une copie pirate, il augmentait la difficulté de manière exponentielle, rendant le jeu presque impossible à terminer. Et si le joueur arrivait tout de même à passer les obstacles, EarthBound pouvait à tout moment supprimer la sauvegarde… Par exemple juste avant le boss final. Cruel, mais efficace !


Aujourd’hui, avec les consoles connectées en ligne et les DRM intégrés, le piratage a pris des formes bien différentes, mais l’époque des disquettes échangées sous le manteau, des modchips installés dans une arrière-boutique et des swap discs reste gravée dans nos mémoires de gamers des années 90. Le piratage, bien qu’illégal, a fait partie de cette culture underground du jeu vidéo, où la débrouille passait avant tout au nom du plaisir de jouer à toutes ces pépites qui sortaient !

Si les éditeurs ont tenté, avec plus ou moins de succès, de stopper l’hémorragie, il y avait toujours cette course-poursuite entre ceux qui créaient les protections et ceux qui cherchaient à les contourner. Et d’ailleurs, cette lutte continue toujours !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *